vendredi 11 juillet 2008

Le retour du mur du sang.


J'avoue avoir longuement hésité, au point d'en oublier la date, et puis le concert londonien, et puis des vidéos, et puis des commentaires, des mails, la rédaction d'une mini-chronique de "Loveless" pour Volume (dossier 200 albums) m'ont convaincu au finish de claquer 40 euros pour assister au retour de My Bloody Valentine dans cette espèce de boîte de conserve qu'est le Zénith (mais pourquoi diable ici ?).

"Loveless", donc, album-matrice dont je crois connaître chaque mouvement, à défaut d'en comprendre les paroles (ce qui est pratique au niveau de la projection, soit-dit en passant). On a tout lu ou entendu sur cette musique-brouillard, mais c'est surtout l'intimité avec elle qui me passionne, la manière dont chaque écoute laisse envisager d'autres territoires, un peu comme si ces guitares en fusion qui brouillent les voix claires changeaient de forme en permanence, au gré du moment et de l'endroit. "Loveless" n'est pas le même album pour moi qu'en 1992, quand on se le refilait en douce au lycée, et c'est précisément pour ça que voir MBV pour la première fois, assister à ce moment où ils replongent dans leur magma sonore, a provoqué chez moi des sentiments mêlés, une vague d'instants et le reflux de visages en même temps que sentiment d'une intensité musicale rarement atteinte.

Il faut dire que tout était en place, les visuels tout d'abord, qui au début du concert étaient constitués de petits films expérimentaux très printaniers, un chemin forestier en rotation, des fleurs, de l'herbe, qui collaient parfaitement aux morceaux. J'ai mis quelques minutes à me connecter aux voix de Belinda (toujours aussi gracile, et cet air d'être là mais pas tout à fait, ses grands yeux fixant la pénombre pour mieux s'oublier) et Shields, toujours aussi peu disert, avec cette dégaine d'éternel adolescent mal réveillé. Je me suis dit que depuis 15 ans, ce type avait eu tellement de temps pour ruminer ce retour, tellement de propositions de rebrancher les amplis que ce devait être autre chose qu'un concert de plus, en dépit du cash-flow qui doit lui tomber sur la tête.

Le concert en lui-même, c'est-à-dire détaché de tout affect ou madeleine de Proust, fut excellent, les vagues noise s'enroulant autour d'elles-mêmes avec l'aide de boucles puissantes (qui partaient parfois trop tôt !). A quelques reprises, on atteignit même le son noisy idéal, jamais saturé, plutôt diffracté et précis, formant une pâte sonore intemporelle. "Glider"," To Here Knows When", "Feed Me With Your Kiss", s'incarnaient sous les yeux d'un public essentiellement composé de vieux fans déplumés et très émus qui, tous, attendaient le fameux break de "You Made Me Realize", vieux fantasme interrompu 3 ou 4 fois par le limitateur sonore (j'ai depuis appris que MBV a allègrement franchi la barre des 120db, là où la limite est fixée à 106) ce qui provoqua l'ire de Shields. Après quelques minutes de flou et de négos il reprit le break-brouillard avant une nouvelle et dernière coupe. Fin du concert en queue de poisson, mais trop tard, le mal était fait, nos oreilles saignaient, ce fut le moment de partir, vite vite, béat et en nage, la tête toute bourdonnante et le coeur en toupie.

"To Here Knows When", pour mémoire :

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