mercredi 28 mai 2008

Shoot'em up.



J'ai un peu renoncé à compter le nombre de concerts où mes modestes activités de plumitif (plus que critique, on reviendra un jour sur cette différence essentielle à mes yeux) m'amènent depuis maintenant une année. J'adore la musique au moment de son incarnation physique, de cette plongée dans le son, mais j'ai parfois le sentiment étrange (dont je tente de me débarrasser aussi sec) d'être le chef de gare blasé qui voit défiler les groupes, l'énième sensation du moment, de la semaine, du mois, de l'année, les bons et les beaucoup moins bons, qui joue à l'Ecole des Fans avec des pancartes à note planquées dans le dos. J'ai connu quelques phases de débranchage, mais l'amour du challenge, pour citer Raymond Domenech ou Midi Olympique, me pousse encore et toujours à m'extirper de ma bulle pour refaire un saut dans le circuit rock de Paris.

Ce préambule maladroit j'en conviens pour raconter la chose suivante (jingle anecdote siouplaît) : j'aperçois à chaque fois, ça ne loupe jamais, un escogriffe invariablement looké treillis noir + verres fumés + cheveux longs crépus rasés sur le devant, ce qui lui donnerait des airs de barbouze (maigre), ne serait-ce l'énorme boîtier qu'il a en main. Cet homme appartient à l'espèce des photographes rock. Je me souviens d'avoir cherché et trouvé son nom et donc sa page Myspace, il se présente comme développeur informatique dans le civil et photographe par passion, maniant l'argentique comme d'autres leur viatique, shootant éternellement la même grimace, la même posture, les mêmes ombres, la même manière de tenir le micro, les mêmes expressions rock, donc.

Pour l'avoir croisé également dans des concerts moins avouables où je passais par hasard, j'en ai déduit que ce personnage nocturne, toujours discret et prompt à bondir comme un chat post-gothique pour saisir L'instant, Le moment, La fraction de seconde décisive, avait paradoxalement renoncé à la musique pour concentrer toutes ses forces sur la peau et les yeux des musiciens. Cet homme, voyez-vous, est en quête de L'esprit rock, et c'est assez émouvant (ou d'un ridicule achevé, c'est selon), de vérifier cette foi indéboulonnable chez certains qui sacrifieraient tout pour Lui.

Je me souviens maintenant de son nom, mais je le tairai ici, laissant le soin aux hypothétiques lecteurs de ce billet de chercher la silhouette longiligne de ce mystérieux photographe.

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