lundi 31 mars 2008

Les vies d'Alain Cavalier.


Je viens à peine de commencer l’écoute et la transcription, forcément un peu laborieuse quand on tape comme moi avec des moufles, de l’interview d’Alain Cavalier : Christian Guinot m’a fait l'amitié de me demander de l’accompagner, un beau jour de février dernier, pour poser quelques questions à ce vieux monsieur dont le film « Lieux Saints » était sélectionné dans la compétition nationale du festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Je me souviens bien de ce moment, j’avais peu dormi (les bringues du festival de Clermont sont réputées…), j’étais patraque et assez pétrifié à l’idée de parler à Cavalier, dont je connais et apprécie le travail sans en être pour autant un fin exégète. J’avais bien un souvenir de « Thérèse », la pâleur extraordinairement expressive de Catherine Mouchet, et quelques images, comme ça, de son journal filmé, diffusé tard un soir sur Arte, quand je vivais encore en Auvergne.

Mais j’avais surtout en mémoire ce moment très joli où Cavalier fut l’invité de France Culture, il y a quelques années, dans l’émission « Tout arrive » (pas la version d’Arnaud Laporte, un peu trop « club du bon goût pour ceux qui savent », mais celle d’avant). Cavalier, dûment muni d’un micro HF, était parti à l’assaut de la Maison de la radio, ronde comme on le sait, et s’était attaché à décrire les images qu’il avait devant les yeux, à la manière de ses films récents, de cette inimitable voix grave et travaillée par les années, au phrasé et à la syntaxe parfaits. Je me souviens de sa description des immeubles de Beaugrenelle, accusés d'être des imitation bien pâles de Manhattan, je me souviens avoir repensé aux mots de Cavalier en regardant le film "Dans Paris" de Christophe Honoré (qui se déroule dans ce quartier de l'Ouest parisien), je me souviens des coupures techniques et de Jean Lebrun (était-ce bien Jean Lebrun ?) qui devait meubler ces coupures tandis que Cavalier semblait voler au-dessus des baies vitrées qui enserrent la Maison de la radio.

Moment de vraie poésie, de légèreté et d’ironie sans y toucher, que j’ai retrouvé retrouvées récemment à la Cinémathèque, en assistant à un « cours » de Jean Douchet, cours qui tournait autour du film « Vies » (2000). Quatre parties, quatre métiers, quatre vies, quatre récits. Le premier évoquait la dernière journée de travail d’un chirurgien des yeux, visiblement ami du cinéaste, tranche de vie et de petits moments délicats. Le deuxième était un portrait d’un artiste farfelu (nom à retrouver), qui puise les sujets de ses sculptures absurdes dans les à-côtés de l’Histoire, le troisième l’autoportrait zippé d’un boucher, qui décrit les grandes étapes de sa vie avec aplomb, sans ciller, tout en semblant s’excuser.

Le quatrième, enfin, nous faisait pénétrer dans une vaste maison perdue dans les bois, où Orson Welles, devenu énorme, avait fomenté ses derniers projets, en vain comme on le sait. Dans ces quatres mini-épisodes, se dégage une constante : la force du hors-champ, de la voix, des regards en direction du cinéaste, qui jamais ne dissimule son dispositif, voire en joue. J’essaierai de revenir en détail sur l’effet qu’a suscité ce film, très bien décortiqué par un Douchet en roues-libres et de décrire ce moment exquis de l’entretien avec Cavalier, que je vais continuer à retranscrire, avec mes moufles...

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